Si vous débarquez et que la dernière chose que vous avez lue ici est un article sur une soupe moche mais bonne, une crème solaire minérale efficace mais collante ou des postures du yoga acrobatiques et rigolotes et que vous vous demandez pourquoi on parle d’un coup philo et trucs sérieux, rendez-vous ici pour l’épisode 1, et là pour l’épisode 2.
Attention hein, j’adore la soupe et les croissants vegan, les cosmétiques cruelty-free et bio et efficaces m’intéressent au plus haut point, idem pour les vêtements jolis et produits dans des conditions décentes et évidemment, tenir en équilibre sur mes avant-bras est mon petit challenge personnel qui ne manque pas de piquant. C’est juste que dans une société où le yoga, le bio, le bien-être sont tellement à la mode, où les challenges Instagram se multiplient, j’ai envie de partager aussi autre chose. En l’occurrence, l’essence même du yoga (rien que ça).
Parlons donc de Satya, le deuxième des Yamas, ces observances morales que l’on cherche à appliquer au quotidien.
Satya est abordé au sutra II.36 des Yoga Sutras de Patanjali et il est traduit de cette manière par Chip Hartranft : « For those grounded in truthfulness, every action and its consequences are imbued with truth« .
Ce qui, en français, donne (selon ma version française sur Kindle) : « Quand on est établi dans un état de vérité, l’action porte des fruits appropriés« .
Toujours aussi lapidaires, hein, les sutras ?
Il n’y a pas une seule manière de comprendre ces sutras, pas une unique manière d’appliquer ces yamas. C’est justement l’effort constant pour vivre en accord avec ces principes qui EST le yoga (au-delà de la pratique physique).
Voici la manière dont Alessia, mon amie prof de yoga et coach le comprend, et cherche à l’appliquer :
« Comment je pratique Satya dans ma vie ?
Le concept de « Satya » ou « Vérité » a beaucoup évolué pour moi, ces dernières années. Quand j’étais enfant, j’entendais les adultes de mon entourage dire « Les gentils enfants disent toujours la vérité », et j’essayais vraiment de dire la vérité, mais quand j’y repense, je réalise que je mentais plutôt pas mal, la plupart du temps des petits mensonges sans importance, de ceux qu’on profère pour ne pas blesser une personne ou faire plaisir à une autre. Mais ces mensonges m’empêchaient de vivre harmonieusement avec ma propre vérité.
Aujourd’hui, l’authenticité est l’un des traits de caractère qui m’attirent le plus chez les autres, et j’essaie d’être vraie au lieu d’être « sympa » avec les personnes qui m’entourent. Et de vivre une vie qui me correspond.
Comment je respecte Satya dans ma pratique du yoga ?
Essayer de vivre en cohérence avec Satya me rappelle de m’écouter dans ma propre pratique du yoga. Ca veut notamment dire, pour moi, pratiquer ce dont j’ai besoin, et pas ce que font les autres. Ca signifie par exemple utiliser des briques ou autres soutiens au lieu de vouloir faire sans, juste pour prouver que je peux le faire. Ca veut dire faire du yoga doux ou restoratif quand je me sens fatiguée plutôt que de me contraindre à pratiquer du yoga dynamique alors que je ne suis pas en forme. Et ça veut aussi dire, parfois, ne pas faire de pratique physique de yoga du tout, même si je rate un super cours, parce que mon besoin du moment est plutôt de méditer ou d’écrire.
Mais la « Vérité » signifie aussi accepter mes limites et en particulier reconnaître que je ne suis pas prêter pour telle ou telle posture physique et que j’ai besoin du soutien d’autres professeurs et de temps pour apprendre au lieu de me sentir coupable et nulle de ne pas avoir atteint un niveau « suffisant ».
Comment notre société respecte Satya s’agissant d’une problématique qui me tient à coeur ?
Pour moi, Satya signifie dire la vérité à notre propos et au sujet des autres. Il me semble que c’est un vrai sujet dans beaucoup de domaines de notre société.
Comme j’ai vécu beaucoup de changements s’agissant de mes choix de carrière et de profession ces deux dernières années, le monde professionnel est un domaine qui est important pour moi et dans lequel j’ai vu un vrai manque de véracité, de ma part et de celle des autres, qui ne me semble pas viable sur le long terme.
En ce qui me concerne, la première chose qui me vient à l’esprit est le fait de vouloir plaire aux autres. Faire plaisir aux autres dans notre travail (mais aussi dans d’autres aspects de notre vie) veut d’abord dire que l’on agit par peur et qu’on manipule les autres. Quand on agit de cette manière, on cherche à dissimuler qui on est vraiment, parce qu’on pense que notre vraie personnalité, nos vraies pensées, ne seront pas acceptées et que l’on sera rejeté par notre chef, nos collègues… et on dit ce qu’on pense qu’ils veulent entendre.
Je pense que ça contribue à créer un environnement de travail souvent malheureux et déconnecté. Les gens pensent qu’ils ont besoin de porter un masque au travail et prétendre qu’ils sont l’employé du mois, que leur chef leur demande d’être.
Je pense que les nouvelles générations sont en train de créer une révolution dans le monde du travail pour changer ce paradigme, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Une question que chacun pourrait se poser serait « A quel point suis-je moi-même au travail ? », pour commencer à changer certaines choses dès aujourd’hui. »
(Je ne sais pas vous, mais je trouve que la vision de Satya d’Alessia est hyper inspirante).
En ce qui me concerne, voici le fruit de mes réflexions sur Satya (issu des nombreux essais que j’ai rédigés pendant ma formation de prof de yoga l’année dernière) :
Satya dans ma vie :
Satya est un principe difficile à appliquer pour moi. Au premier abord je ne suis pas une personne très « secrète » et je raconte volontiers ma vie, y compris des choses que notre société peut considérer comme taboues, comme mon salaire, mes soucis de santé, mes idées politiques, etc. Donc, dans un sens, je dis ce que je pense, ce que je suis, ce que je fais, sans chercher à me cacher.
Mais j’ai un peu plus de mal quand il s’agit de partager mes sentiments et émotions, souvent parce que j’ai moi-même du mal à réaliser ce que je ressens, surtout quand ce sont des sentiments négatifs : j’ai du mal à accepter d’être en colère, déçue, triste… J’ai tendance à me mentir à moi-même, ne pas reconnaître ces sentiments, en faire complètement abstraction. C’est évidemment la pire chose à faire, ces sentiments finissent toujours par remonter, multipliés par des jours, des semaines, des mois de négation. Alors je fais cet effort sur moi, au quotidien. J’essaie de reconnaître quand quelque chose me déplaît, me blesse. Et de le dire tout de suite. Même si ça fait de moi quelqu’un de moins sympa que ce que je voudrais, j’apprends à être chiante plutôt qu’une fausse gentille qui rumine dans son coin.
Satya sur mon tapis de yoga :
Est-ce qu’on arrive à appliquer Satya au quotidien, tout le temps ? Certainement pas. Appliquer les Yamas, ce n’est pas décider qu’à partir de maintenant, on ne va plus être violent, on ne va plus jamais mentir, à soi-même ou aux autres, et ne jamais déraper. C’est chercher le juste équilibre, chercher à appliquer toujours plus de Vérité, remarquer quand on a échoué, en prendre note, et faire mieux la prochaine fois (ou au moins essayer).
Ca fait du bien de voir un article sur le yoga qui parle de la vraie pratique, et pas seulement celle qu’on voit sur Instagram 🙂
🙂 Merci pour ton commentaire (et désolée pour le temps de réponse, j’ai eu une période « blog en friche, gloups !)
Trop de mots