En mode vénère

Je déteste dire « en mode », mais ça m’échappe assez souvent. Ces tics de langages m’imprègnent tellement que je les oublie et en ponctue élégamment mes réunions pro « Le gouvernement a adopté un nouveau décret à la suite de l’annulation contentieuse de l’arrêté xxx par le Conseil d’État,  en mode je répare mon erreur, tu vois ? » Si tu veux une liste des expressions reloues de chez reloues qu’on utilise couramment au jour d’aujourd’hui, mais une vraie liste de ouf tu vois, à base de « c’est chaud », « au final » ou « faire gavé la chouille » (les expressions régionales gagnent la France entière et se combinent, contribuant ainsi à enrichir notre langage quotidien – le mien en tous cas puisque je le disais, je suis une éponge à expression à la mode, et donc, tu trouves la liste ici).
1 – En tête de la liste des choses qui m’agacent au quotidien, les expressions débiles que tu ne peux pas t’empêcher d’utiliser à tort et à travers.
Or je suis une grande adepte de l’Art poétique de Boileau (en tous cas de la phrase que j’ai retenue de l’extrait que j’ai lu en classe de Seconde) : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément« . Et cette jolie phrase – que dis-je, ce concept de vie – s’articule difficilement avec l’utilisation intensive de « en mode » « à la base » « en fait » « tu vois » « basiquement » (si si, il y a des gens qui utilisent basiquement, ça fait genre « oups, un mot anglais m’est venu à l’esprit » (et comme je baragouine parle couramment un grand nombre de langues, sauf le français, ça donne « basiquement »). J’aimerais que mes mots à moi arrivent aisément.
2 – La salle d’attente du médecin
Mon médecin fait un truc génial : des consultations libres entre 13h et 15h, tous les jours de la semaine (je ne donne pas ses coordonnées, y a déjà trop de monde). Rançon du succès : les gens arrivent dès 12h40 pour attendre le moins possible (ce qui réduit déjà pas mal le côté pratique de l’horaire parce que pour y être à 12h40, on n’a plus le temps de déjeuner avant, tu suis toujours le timing ?).
Donc tu débarques à 12h45 l’estomac dans les talons, en priant pour que ce soit rapide, histoire de pouvoir te sustenter et reprendre ton activité professionnelle à une heure décente. Et là, que vois-tu ? Déjà trois personnes dans la salle d’attente (la première ayant très largement dépassé l’âge de la retraite, mais je n’entrerai même pas dans ce débat…). Tu sais qu’elle est la première parce qu’elle a choisi le fauteuil juste à côté de la porte et qu’elle fait des bonds à chaque grincement de porte / chaise, afin que tout le monde voie bien que c’est SON tour d’abord.
Je trouve qu’il y a peu de moments où les gens se regardent avec autant de méfiance que dans un salle d’attente / une file d’attente et assimilés. Dans ces moments, tu te dis que la civilisation, ça ne tient qu’à un fil quand même. 
3- Les gens qui marchent en groupes de cinq dans la rue, en formant une LIGNE sur le trottoir
Et bien sûr, ils sont tellement pris dans leur conversation (Monsieur tout à gauche essayant d’entendre Madame tout à droite) que tes « Excusez-moi » passent inaperçus et que tu te retrouves sur la chaussée pour les dépasser, au moment où un bus arrive. Si tu es un peu poissard(e), il se peut que le chauffeur t’insulte et que tu n’aies pas le temps et/ou l’esprit de répondre que c’est de la faute de ces p*** d’imbéciles qui monopolisent le trottoir en marchant au ralenti.
4- Les touristes qui utilisent des titres de transport invalides  
Comme tu lui collais au train, au touriste, tu as mis ton ticket trop tôt, validant ainsi son passage. T’as plus qu’à prendre un ticket neuf (si t’as vraiment pas de chance, tu n’avais qu’un seul ticket et tu dois aller faire la queue).
5- Les gens qui ont des enfants bruyants et les regardent d’un air attendri (ou des chiens qui puent) dans le train. 
Peut-être que moi aussi, j’aurai des terminaisons nerveuses endommagées après avoir procréé, en attendant, les enfants qui braillent tellement fort que l’iPhone + les écouteurs intra-auriculaires Klipsch ne suffisent pas à couvrir le bruit, ça me fait mal aux oreilles.
A ce stade, je tiens à préciser que je n’estime pas ne jamais faire ces choses qui agacent, tiens par exemple, j’ai trimballé mon chat assez régulièrement dans le train. Pour la plus grande joie des allergiques (et des parents, qui trouvaient ainsi une babysitter gratuite : « Arrête de crier, va jouer avec le petit chat ». Gagné).
6- Les gens qui essaient de t’expliquer que ce t-shirt blanc American Vintage / Sandro / Maje / Zadig et Voltaire / The Kooples VAUT ses 40-60-150€
Nan mais si tu adores, tu adores. Tu veux te faire plaisir, vas-y. Mais un t-shirt en coton blanc, à moins que son prix plus élevé ne soit justifié par une étiquette « made in France », une résistance à 170 lavages sans bouger ou que sais-je encore, ça ne vaut pas 60€ (et encore moins 150€). C’est un peu comme – lu sur un forum – le coiffeur qui propose ses produits Kérastase à sa cliente qui veut du « sans silicone » et que, quand elle lui rétorque qu’il y a du silicone dedans, il lui explique alors que c’est « du silicone de meilleure qualité ». Non non, c’est la même came mon bon monsieur. De la came qui sent meilleur, qui est plus chic, qui a probablement quelques composants  de meilleure qualité que d’autres marques, mais c’est un shampoing siliconé – sinon, je viens de commander pour 49€ de produits capillaires sur Internet, mais ça ne passe pas bien avec mon message d’aujourd’hui, je t’en reparle plus tard, d’accord ? Et oui, je suis consciente que ma comparaison ne tient pas trop debout, mais cette histoire m’a fait rire, alors je la laisse.
7- Les serveurs qui te regardent de haut dans un resto plus ou moins chic
Nan mais d’abord, Monsieur-Mais-pour-qui-tu-te-prends, on peut porter un jean, on peut même porter un vieux survêt ET se payer un menu à 45€ (par contre, je risque de passer mon tour sur le pourboire, pouilleuse que je suis). 
Ensuite, Monsieur-remets-toi-en-question, dans un vrai resto chic, on regarde pas les clients comme si on ne voulait pas d’eux. 
Du coup, tu deviens super critique sur les plats et tu ressors déçu.
8- Les gros titres des magazines féminins (mais j’en achète plein quand même). 
En mai, « Comment perdre 5 kilos en un mois sans se priver » (vas-y, dis-moi qu’on rigole. Ensuite on va discuter de la notion de « privation », parce qu’on n’a pas la même). Dans le même registre, en décembre : « Réveillonner en toute légèreté » (mon moment préféré, c’est celui où on t’explique que pour le Nouvel an, il faut remplacer la dinde aux marrons par une escalope de poulet et se limiter à une coupe de champagne à l’apéro et une autre à minuit. Mais l’article qui suit, c’est quand même « Belle et fraîche avec la gueule de bois du siècle », tu m’étonnes, DEUX coupes de champagne, on a bien déconné hier).
« Ronde et bien dans sa peau » : le mannequin fait du 40. Sympa pour une bonne partie des françaises. Z’avez vu les grosses, on fait un article pour vous quand même (en plus de celui du mois de mai).
« La mode à moins de 50€ » : mais il n’y a que des chaussettes et des épingles à cheveux dans cet article ?
Au cœur de l’hiver : « Chic et sexy en hiver » : Aaaaah, j’avais pas saisi l’astuce, en fait, il suffit de faire comme si on n’avait pas froid et de porter avec chic ses jolis escarpins (et de savoir patiner sur le verglas avec). En toute simplicité.
9 – Les listes que je n’arrive pas à finir alors que je voulais aller jusqu’à 10.

ien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément.

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4 thoughts on “En mode vénère

  1. Est-ce que les boucheurs de trottoir ne seraient pas les mêmes que les emmerdeurs qui se ruent à l'intérieur de la rame du métro dès que la porte s'ouvre, sans laisser sortir les autres emmerdeurs qui eux vont squatter la partie gauche de l'escalator, pendant que d'autres s'arriment solidement à leur strapontin alors qu'on est 227 personnes dans la rame ?

    Sinon moi je suis irréprochable, je tenais à le signaler. C'est pas de ma faute si parfois mon chien se laisse aller dans les couloirs du métro.

    Siparunenuitdhiver

  2. Si ça peut calmer tes nerfs, la dernière fois que je suis allée chez le Docteur X, j'y étais à 12h25 (c'est lui a du interrompre son déjeuner en mode vénère pour m'ouvrir soit dit en passant) et j'ai ainsi fucké les deux vieilles de 12h40.

    M.A, pas du genre à se laisser emmerder.

    (et dans le registre méfiance civilisationnelle : l'odeur qui pique le nez dans la rame bondée du matin, où tout le monde se regarde et lève la tête de peur qu'on lui attribue le pet malencontreux. True Story)

  3. Il sera dit qu'aujourd'hui j'aurais découvert par le hasard d'un détour de commentaire au fond à gauche en passant par la petite porte je découvre, comme ça, de petites pépites de blog qui m'intéressent et m'interpellent, et j'aime ton style, et non pas "que" à cause du fait que tu appâtes au succédané de smoothie (ok, ok, on n'a qu'à dire que j'ai mal lu ^^)
    J'ai le même souci avec les listes, déjà qu'on est le 9 février et qu'une copine m'a taguée en me demandant 4 résolutions pour la nouvelle année, je suis arrivée à deux… enfin, une et demie on va dire ^^

    Au plaisir !

  4. @siparunenuitdhiver On sent que tu prends le métro régulièrement. Et que tu voues la même haine que moi aux gens qui s'accrochent à leur strapontin. Mais avoue que parfois, quand t'es bien crevé, c'est BON de squatter insolemment un strapontin, même en cas d'influence… Non ?

    @M.A. J'admire ta capacité à devancer les mamies et saouler Docteur X. Bon ben demain, j'y vais à 12h25, pas de scrupules.

    @Lolaa Hello et bienvenue ! Merci pour ton message ! En effet, Smootheries vient du smoothie (rapport au fait qu'il y a 3 ans, j'ai joué à la sale parisienne bobo et snobé ma soeur et ma mère, pauvres provinciales qui ne savaient pas ce qu'était un smoothie). J'aime beaucoup ton blog aussi (et tes super belles manucures !). A bientôt donc !

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